L’économie mondiale est toujours confrontée à de multiples obstacles, à une probabilité accrue de récession et à une hausse de la volatilité des marchés en raison de l’incertitude économique croissante. Les investisseurs et les décideurs ont été particulièrement préoccupés par la persistance de niveaux d’inflation plus élevés que prévu, incitant les banques centrales à tenir leur promesse d’augmenter les taux de manière plus soutenue afin de contenir les prix élevés. D’autres risques sont apparus au cours du trimestre, notamment l’aggravation du conflit en Ukraine, qui a entraîné l’Europe dans une crise énergétique, augmentant l’instabilité économique dans la région et ailleurs. Il convient également de noter le ralentissement de l’économie chinoise en raison des confinements liés à la COVID, et le potentiel d’exacerbation des problèmes au sein de son marché immobilier endetté. Enfin, les risques élevés ont provoqué une « ruée vers la qualité », entraînant une appréciation du dollar américain et une hausse de l’incertitude entourant les flux commerciaux mondiaux, les bénéfices des entreprises ainsi que les marchés des produits de base et les marchés émergents des titres de créance dont le prix est généralement établi en dollars américains.
Au cours de l’été, après que les États-Unis aient affiché deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB, les « mauvaises nouvelles sont devenues des bonnes nouvelles »; les investisseurs espérant que cela annonçait la fin du cycle actuel de resserrement des taux. Cela a provoqué une reprise des marchés boursiers, le S&P 500 ayant progressé de 13,7 % entre le 30 juin et le 15 août. L’optimisme a toutefois été réduit à néant lors du symposium de Jackson Hole, au cours duquel la Réserve fédérale a réaffirmé sa volonté de réduire l’inflation à tout prix (donc, croissance négative du PIB, affaiblissement du marché du travail et corrections du marché immobilier) et a annoncé de nouvelles hausses de taux. À la fin du troisième trimestre, tous les gains trimestriels avaient été effacés, les actions terminant aux niveaux de novembre 2020, tandis que le rendement de l’obligation de référence du Trésor américain à 10 ans a brièvement dépassé les 4 % pour la première fois depuis 2008.
Les données économiques ont déconcerté les investisseurs et les économistes, car le marché de l’emploi est resté résistant et l’inflation élevée, tandis que la croissance économique et la confiance des consommateurs se sont dégradées. Face à la fermeté des banques centrales et à la perspective d’une poursuite des hausses de taux d’intérêt, l’inflation dans les pays développés n’a pas encore ralenti. Aux États-Unis, l’indice des dépenses de consommation personnelle du mois d’août, un indicateur d’inflation privilégié pour la Réserve fédérale, a atteint 4,9 %, contre 4,7 % en juillet. Au Canada, l’inflation continue d’être une question épineuse, l’IPC passant de 8,1 % à 7,6 % sur 12 mois, mais si l’on exclut l’essence, les prix se sont emballés, en particulier dans le domaine des services.
À l’instar de tant d’autres banques centrales des économies développées, la Banque du Canada a choisi de relever ses taux de 75 points de base lors de la réunion de septembre, à la suite d’une hausse historique d’un point de pourcentage complet plus tôt dans le trimestre, pour une augmentation cumulative de 3 points de pourcentage depuis mars. Le passage des banques centrales à une politique plus ferme, alors que celle-ci peut déjà être considérée comme telle, suscite des craintes accrues quant à la possibilité qu’un faux pas ait un effet pervers sur l’économie au sens large, surtout si l’on tient compte de l’effet de décalage de la politique monétaire.
Après un fort redressement initial, les marchés boursiers mondiaux ont reculé, clôturant le trimestre en baisse. La reprise initiale avait été stimulée par la résistance des bénéfices des entreprises et les signes d’un éventuel sommet de l’inflation.
Les bénéfices du S&P 500 pour le deuxième trimestre ont augmenté de 6,7 % sur 12 mois, plus de 75 % des sociétés incluses dans le S&P 500 ayant dépassé les prévisions de bénéfices malgré une inflation élevée et des problèmes persistants de chaîne d’approvisionnement. Les tendances de l’inflation semblaient coopérer, puisque l’IPC aux États-Unis était passé de sa plus forte augmentation en 40 ans, soit 9,1 % en juin, à 8,5 % en juillet. Les investisseurs espéraient que la hausse rapide des prix avait atteint un plafond, et que les banques centrales seraient en mesure d’abaisser les taux au début de 2023.
Toutefois, à la fin de l’été, l’inflation a commencé à augmenter, l’IPC de la zone euro atteignant pour la première fois un taux à deux chiffres. À l’échelle mondiale, environ 90 % des pays ont connu une inflation globale supérieure à 6 % sur 12 mois. Pour tenter d’enrayer une inflation élevée depuis plusieurs décennies, la majorité des banques centrales des économies développées ont relevé leurs taux à un rythme et à une échelle jamais vus depuis deux décennies, tout en signalant de nouvelles hausses à venir.
Il en est résulté un plongeon des actions au cours du mois de septembre, le S&P 500 subissant sa pire perte mensuelle depuis le début de la pandémie, avec une baisse de 9,3 % (USD), pour terminer le trimestre avec une diminution de 5,3 % (USD). L’indice S&P TSX a également reculé au cours du mois (-4,6 %), mais a enregistré un rendement relativement meilleur pendant le trimestre (-2,2 %). L’indice MSCI Monde tous pays, semblable à celui des États-Unis, a baissé de 5,3 % (USD) au troisième trimestre.
Il y a eu peu d’éléments positifs au cours du trimestre, tous les secteurs ayant enregistré des pertes. Quant au S&P 500, l’énergie et la consommation discrétionnaire ont été les seuls secteurs à terminer sur une note positive. Le rendement positif de la consommation discrétionnaire peut être attribué aux fortes dépenses de consommation et au faible taux de chômage, tandis que l’énergie a été avantagée par de solides bénéfices et par la vigueur continue des prix du gaz naturel. L’énergie reste le seul secteur à afficher un rendement positif depuis le début de l’année.
La volatilité a toujours été présente sur les marchés des titres à revenu fixe au troisième trimestre, les banques centrales ayant fermement poussé les taux à court terme à la hausse afin d’étouffer les plus hauts niveaux d’inflation observés depuis plus d’une génération, ce qui a entraîné l’inversion de la courbe de rendement.
Après un répit au cours de la première moitié du trimestre, les rendements obligataires ont fait volte-face et ont affiché une tendance à la hausse, le président Powell ayant réaffirmé, lors du symposium de Jackson Hole, l’engagement de la Réserve fédérale à ramener les prix au niveau de leur mandat à long terme (2 %). Peu après, à l’instar de la Réserve fédérale, la Banque du Canada et la Banque centrale européenne ont relevé leurs taux d’intérêt de 75 points de base en septembre, rendant ainsi les taux à court terme à l’avant de la courbe particulièrement sensibles. Au Canada, les rendements des obligations à 2 ans ont augmenté de 79 points de base pour atteindre 3,8 %, tandis qu’aux États-Unis, les rendements des bons du Trésor à 2 ans ont connu une hausse de 128 points de base pour atteindre 4,21 %.
L’évolution soutenue des taux à court terme a inversé la tendance de la courbe de rendement. Au Canada, le rendement des obligations gouvernementales à 10 ans a terminé le trimestre à 3,16 %, tandis qu’aux États-Unis, l’obligation du Trésor à 10 ans a terminé à 3,83 %. Une courbe de rendement inversée, même si elle n’est pas infaillible, s’est avérée être un indicateur raisonnable d’une récession sur une période de 12 mois. Face aux craintes d’un resserrement de la politique monétaire et de son potentiel à saper davantage les perspectives de croissance économique, les obligations de sociétés de catégorie investissement ont sous-performé et les écarts de taux se sont creusés sur les marchés mondiaux (l’écart de taux est la différence de rendement entre des obligations de même échéance, mais de qualité de crédit différente), ce qui a causé un souci supplémentaire aux investisseurs.
Les obligations n’ont pas donné de lest aux portefeuilles des investisseurs en 2022 et sont en passe de réaliser le pire rendement jamais enregistré au cours d’une année civile. L’indice de référence global des obligations de base américaines a baissé 14,6 % depuis le début de l’année et d’un autre 4,3 % au cours du trimestre. Au Canada, l’indice obligataire universel canadien FTSE s’est mieux comporté, avec une baisse de « seulement » 12,2 % depuis le début de l’année, tout en terminant le trimestre à un niveau presque neutre de 0,5 %. Sur une note plus positive, l’évolution des taux des obligations a conduit à des rendements obligataires attrayants, faisant des obligations une catégorie d’actifs plus accessible.
Les inquiétudes concernant le ralentissement de l’économie et l’augmentation des coûts ont sensiblement augmenté au cours du trimestre, le risque de récession étant nettement plus élevé aujourd’hui que jusqu’à tout récemment. Les investisseurs doivent être conscients que les attentes en matière de bénéfices pourraient être encore réduites, car le déclin prévu de la croissance de l’emploi et le frein budgétaire pourraient commencer à modérer la consommation. La hausse des taux d’intérêt commencera sans doute à peser sur les bénéfices des entreprises et aura un effet négatif sur les dépenses d’investissement en raison d’un coût du capital plus élevé. Les tensions géopolitiques accrues avec la Russie risquent d’aggraver les pénuries d’énergie, ce qui continuera à réduire la confiance des consommateurs et pourrait étouffer la croissance économique mondiale.
Les deux prochains trimestres pourraient très bien s’inscrire dans la continuité des trimestres précédents. La baisse des actions a été entièrement attribuable à la contraction des ratios (rapport entre le prix de l’action d’une société et un élément de son rendement sous-jacent, c’est-à -dire le ratio cours/bénéfice). Si les bénéfices reculent, le cours des actions pourrait continuer à être faible. De même, la mesure dans laquelle les banques centrales devront relever les taux et le calendrier de ces mesures demeurent incertains. La valeur terminale, c’est-à -dire le niveau où les banques centrales et les marchés pensent que le cycle de resserrement des taux se terminera, a augmenté peu à peu, car l’inflation s’est avérée plus résistante que prévu initialement. En outre, le processus de modification de l’activité économique au moyen de la politique monétaire peut être long, les recherches suggérant qu’il faut environ 2 à 3 trimestres pour qu’elle affecte l’économie réelle. Enfin, les tensions géopolitiques demeurent un facteur d’incertitude, car la Russie a intensifié la guerre en Ukraine et un conflit plus étendu ne peut être écarté.
Toutefois, si les perspectives des actifs à risque restent clairement difficiles, les marchés sont tournés vers l’avenir et, compte tenu des baisses substantielles déjà enregistrées, on peut supposer qu’une grande partie des « mauvaises nouvelles » est déjà prise en compte. Les évaluations des actions se rapprochent rapidement des niveaux prépandémiques et se situent actuellement légèrement en dessous des moyennes historiques. De même, les titres à revenu fixe se situent au niveau le plus attractif depuis plus de dix ans, ce qui permet de mieux amortir les portefeuilles en cas de faiblesse persistante des marchés.
Personne ne sait quand les marchés toucheront le « fond » et commenceront à se redresser. L’histoire nous apprend que la majorité des reprises surviennent bien avant que les problèmes auxquels l’économie est confrontée ne soient entièrement résolus. Nous continuons à nous concentrer sur les placements à long terme et sur les entreprises de qualité bien gérées qui sauront traverser les conditions actuelles et participer à la hausse lorsque les marchés reprendront inévitablement confiance.